Cet article est ma traduction d’un article rédigé par Julia Carmel pour le journal The New York Times et intitulé : Meet Bill Butler, the Godfather of Roller Disco. Publié le 30/11/ 2020 et mis à jour le 04/01/2021.
A l’heure où je rédige cette traduction (15/06/2021), aucun article français ne parle de Bill Butler.
Bill Butler a infusé la dance music (N. D. T. : Terme générique apparu au milieu des années 1980 pour désigner tous les rythmes qui viennent du disco) à l’Empire Rollerdrome de Brooklyn. Grâce à lui, des générations de patineurs ont appris à rouler, rebondir et devenir des jammas.
Disco Fever des années 70
Fin des années 1970, la fièvre du disco bat son plein.
Des décennies durant, des Brooklynois majoritairement noirs et gays ont dansé et patiné à l’Empire Rollerdrome de Brooklyn.
Nous sommes loin des discothèques élitistes et inexpugnables de Manhattan. La patinoire de Brooklyn se veut accueillante et sans faste. On y entre pour quelques dollars.
(N. D. T. : Brooklyn est le quartier le plus cosmopolite de New York où vivent beaucoup d’Afro-Américains. L’autre quartier new yorkais, Manhattan abrite quant à lui Central Park, lieu incontournable du roller).
L’Empire Rollerdrome devient le haut lieu de la vie nocturne. Les patineurs de la ville, mais aussi des stars (Kennedy et Cher pour n’en citer que deux) décident alors de tester ce sol fait d’érable miracle (the Miracle Maple).
N. D. T. : La piste était en érable poli.
Bill Butler, l’homme aux surnoms multiples
Au milieu de la piste, un homme : Bill Butler dont on ne compte plus les surnoms : « Brother Bounce », Monsieur charisme, le père/le parrain du Roller Disco. L’écrivaine journaliste et photographe Elin Schoen Brockman l’a même comparé à un dervish tourneur tant ses pirouettes, jeux de jambes et changements de direction étaient rapides.
Son style, caractérisé par des dips, spins et croisés-avant marque le début du roller disco.
Empire Skate : Lieu de naissance du Roller Disco
Lorsqu’il a commencé à fréquenter Empire dans les années 1950, M. Butler voulait simplement patiner.
Dans une interview vidéo depuis son domicile à Atlanta, M. Butler (alors âgé de 87 ans) déclare : « Je ne connaissais rien à Empire », « Je ne savais pas que j’allais tout chambouler. »
Un renouveau sonore
D’entrée de jeu, M. Butler a infusé de nouveaux sons dans la discothèque. Rappelons-le, traditionnellement, les patinoires embauchaient des musiciens pour jouer de la musique rythmique sur des orgues. Ces dernières étaient souvent achetées d’occasion dans les églises et les théâtres. A cette époque, les DJ jouaient des musiques aux tempos prévisibles pour que les quadeurs suivent facilement le rythme.
En 1957, Bill foule le sol de l’Empire pour la première fois. Il était jeune et membre de la Air Force. Bill est arrivé dans son uniforme avec quelques sons sous le bras : un LP de Jimmy Forrest et « Night Train » de Count Basie. Ayant convaincu le DJ de jouer son disque, le blues a subitement envahi l’espace. M. Butler a swingué sur la musique, enchaînant ses mouvements forward/backward et filant à travers la foule tel une anguille.
Avènement de la Bounce Night
Quelques années plus tard, milieu des années 1960, Bill demande à Gloria McCarthy, la fille d’un propriétaire d’Empire de changer de musique. Les vendredis deviennent des « Bounce Night ». La musique populaire – jazz, R&B, funk puis disco – vibre alors dans les haut-parleurs.
L’Empire est à son apogée. « Une Mecque » déclare Robert Clayton, qui a travaillé là-bas en tant que DJ Big Bob pendant plus de 20 ans. « Vous n’avez pas patiné si vous n’êtes jamais allé à Empire. »
Bill Butler : Roi du dance floor
De toutes part, les gens viennent voir M. Butler. Ses mouvements flashy ont attiré des admirateurs et même des étudiants. Cher a engagé M. Butler pour patiner avec elle lors d’une soirée à Empire. Peu de temps avant, cette dernière sortait sa chanson » Hell on Wheels « , inspirée du roller disco.
Lors d’une entrevue téléphonique, la journaliste Mme Brockman a déclaré :
« Quand vous patinez avec lui, vous n’avez pas peur de tomber ». Elle ajouta : « Lorsque vous assistez à un ballet, vous ne vous dites pas que les danseurs ont mal aux pieds. C’est la façon dont Bill patine, il rend tout facile, cela devient de l’art. »
Enfance de Bill Butler
Bill Butler grandit à Detroit. Dans les années 1940, Bill apprend le patinage et fait ses débuts à l’Arcadia Roller Rink sur Woodward Avenue (toujours à Détroit). A cette époque, les patineurs noirs ne sont autorisés à Arcadia qu’un soir par semaine. Ces fameux soirs, au lieu d’un organiste, la patinoire engage un DJ pour jouer de la soul et du R&B.
« Nous avions l’habitude d’appeler ça le rock à roulettes », a déclaré M. Butler à Rolling Stone en 1979. « Tout ce qu’ils ont fait, c’est changer les noms. D’aussi loin que je me souvienne, les Noirs ont joué sur des patins. Mais les termes ne sont pas importants – c’est le patinage. C’est la façon de bouger votre corps.
Bill Butler enfant, sa rencontre avec Archie, le développement d’un style
A 10 ans, Bill rencontre pour la première fois à Arcadia un patineur, Archie qui a changé sa vie. Le style d’Archie est remarquable, cheveux lissés à l’arrière, bottines délassées, il étourdit la foule par ses mouvements et son patinage arrière.
« Il patinait dans le sens des aiguilles d’une montre tandis que le reste d’entre nous patinait dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, rien que ça, ça m’a rendu fou », a déclare Bill Butler.
Dès lors, Bill Butler achète ses propres patins. La somme est colossale pour l’époque : 23 $. Mais Bill n’est pas prêt à patiner. Ce dernier confie : Je ne voulais pas patiner tant que je ne pourrais pas régner sur la patinoire comme le fait Archie.
Bill Butler s’entraîne donc dans le sous-sol de sa maison familiale entre la chaudière et le bac à charbon.
Il confie : « Personne ne savait que je patinais ». En effet, Bill était solitaire — il prenait seul le bus pour aller et revenir de la patinoire. Même après s’être enrôlé dans l’Air Force et avoir commencé à voyager, il s’éloignait seul de la base pour vérifier les patinoires locales.
Lorsque Bill déménage à Brooklyn en 1957, il apporte avec lui son univers : sa musique et un arsenal de mouvements ramassés en patinant ça et là. Il passe ensuite la plupart de ses nuits à Empire. Lieu dans lequel il commence à donner des cours aux patineurs intéressés par son style.
Jammin’ & jammas
Bill se fait appeler jamma, un terme qu’il a emprunté à la fois au jazz et au roller derby.
- Dans le roller derby, le jammer est un membre de l’équipe qui devance les pelotons et fait le tour de la piste) Les jammas, a déclaré M. Butler, pour gagner en explositivé concentrant leur poids sur des points de levier du patin. Ils placent leurs poids en carres internes ou externes, accrochant le sol et générant une poussée empreinte d’intention et de puissance.
- N. D. T : Mais jam est aussi un terme de jazz. Le terme anglais jam session (littéralement « séance d’improvisation ») est une séance musicale improvisée. Buttler affirme : Si vous avez la technique, l’improvisation suit naturellement, sans peine.
« Vous avez la sophistication pour être un improvisateur – une personne qui peut patiner sur un rythme syncopé. »
L’enseignement Jammin’
C’est ce qu’il a enseigné à des générations de skateurs, et ce qu’il a apporté au cinéma. Il a travaillé en tant que directeur de patinage sur des films tels que « The Warriors » (1979), « Xanadu » (1980) et plus tard « Roll Bounce » (2005), qui ont contribué à injecter le monde funky et éblouissant du patinage dans le courant dominant de la culture pop.
M. Butler a également ouvert une école de patinage à Long Island, où il vivait. À la fin des années 1970, il recrute de nouveaux étudiants et se rend régulièrement à Brooklyn pour continuer à enseigner à Empire.
L’une de ses anciennes élèves, Denise Speetzen, a 11 ans lorsqu’elle a commencé à s’entraîner avec M. Butler dans les années 1980. En vieillissant et en rencontrant des patineurs, elle a découvert un fil conducteur.
« Ils disaient: » Oh, nous avons toujours patiné de cette façon parce que c’est le genre de musique que nous aimions, donc nous avons ce genre de balancement ou de fanfaronnades « , a-t-elle déclaré. « Mais si vous leur parlez de plus en plus longtemps et retracez qui a enseigné à chaque personne, c’est un peu comme faire un arbre généalogique. »
« Finalement, vous pourrez tout retracer », a-t-elle poursuivi, « et cela reviendra à Bill. »
M. Clayton, qui a voyagé dans les patinoires du monde entier en tant que DJ invité, a également reconnu les signatures de M. Butler. « Tout cela est venu de Detroit », a déclaré M. Clayton, se référant à des mouvements populaires comme les trains de skate et les baisses de tension, « mais il l’a affiné et amélioré. »
En 2003, M. Butler a déménagé à Atlanta, où il a continué à enseigner dans les patinoires locales. Après 77 ans à perfectionner ses mouvements sur les patinoires du monde entier, la pandémie l’a obligé à raccrocher ses patins pour le moment. Il dit qu’il a l’intention de patiner et d’enseigner à nouveau une fois que ce sera sûr.
Et ses idées sur le patinage n’ont pas changé.
« Espace + pulsation = ce que nous faisons avec notre corps et nos pieds », a-t-il déclaré. « C’est de là que je viens.
N. D. T. : Vraiment pas convaincu de ma traduction ^^
“Space plus the beat equals what we do with our bodies and feet”
Traduction : Jérôme (rollerquad.fr) le 15/06/2021
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